Avoir été invitée à prononcer un discours sur l’influence de l’équitation française aux Etats-Unis a été pour moi l’occasion d’entendre de nombreuses leçons historiques.
Le rapport sur les traces laissées par James Fillis fut particulièrement instructif, ainsi que l’histoire des guerres au Portugal qui ont contribué à pérenniser la tradition et la qualité de ce type d’équitation. J’étais particulièrement désireuse de manifester mon respect pour le colonel iranien Neuchati, un grand gentleman et un extraordinaire enseignant qui, après avoir été formé à Saumur, a transmis son amour de la belle équitation à d’innombrables élèves. Il a aussi entretenu ce savoir à travers un pays sous contrainte, démontrant son infatigable amour pour l’art d’enseigner.
Il s’avère que j’ai été, moi aussi, honorée dans cette tradition équestre. Au cours d’une courte cérémonie, après avoir assisté au nouveau gala des écuyers du Cadre Noir, il m’a été remis diplôme et cravache me gratifiant du titre honorifique d’Ecuyer de Saumur pour avoir préservé les idéaux de l’équitation française, en tant qu’élève de Nuno Oliveira. J’ai donc lu que ce diplôme était adressé à « Bettina Drummond, Ecuyère de Haute Ecole ». Je suis si fière d’avoir surmonté tant de problèmes de santé et d’avoir pu continuer avec joie dans cette expression équestre qui, honorée par le Cadre noir, m’apporte un immense sentiment de fierté. Je me suis tellement efforcée de suivre ce chemin depuis quarante ans ! En tant qu’enseignante, j’ai lutté pour conserver mon statut indépendant tout en transmettant la méthode qui, à mon sens, rend les chevaux les plus heureux possible.
Ayant été conviée le lendemain à aider les écuyers de Saumur le souhaitant, cela m’a apporté un sentiment d’objectifs à partager et de camaraderie entre pairs. J’ai eu aussi l’opportunité de discuter avec l’écuyer en chef, le colonel Teisserenc, au sujet d’un projet de venue du Cadre noir au Canada. L’occasion également de dîner avec Mireille Belot François, écuyère du Cadre noir aujourd’hui en retraite. C’est elle qui me donna ma première leçon à la longe sur l’anglo-arabe de ma mère, Harpalo Prince, j’avais alors cinq ans ! Après la mort de Maître Oliveira, il m’a été permis d’étudier avec quelques écuyers du Cadre noir, en particulier Daniel Le Chevallier pour les jeunes chevaux et Jean-Marie Donard pour les sauts d’école. Mais j’avais pu observer l’enseignement de Mireille avant et après qu’elle ait rejoint le Cadre noir et ai été réconfortée de voir la place des femmes assurée au sein d’un domaine essentiellement masculin. Elle et Florence Donard furent une inspiration pour nous, écuyères des générations suivantes.
Le surlendemain, j’ai eu aussi l’occasion de discuter techniques d’entrainement avec deux bibliothécaires de l’Ecole, Patrice Franchet d’Espèrey et le juge de dressage Bernard Maurel. En regardant travailler les chevaux de quelques cavaliers, nous avons échangé nos commentaires et nos réactions sur les procédés de formation à l’intention des membres de l’association Allège Idéal.
Pendant le long vol de retour chez moi, j’ai beaucoup pensé à quel point il est important pour de telles institutions d’accueillir et de réunir tous ceux d’entre nous qui, dans tous les pays du monde, cherchons chaque jour une culture combinant le savoir acquis au cours des siècles par des écuyers tous partie prenante de cet héritage appelé l’équitation française. Nous devons protéger et préserver ce qu’il y a de bon en elle afin d’améliorer la vie de nos chevaux!
Quant à moi, je vais dans les jours qui viennent monter les miens, inspirée par les mots lus dans les éditions spéciales de la bibliothèque de Saumur, en attendant de transmettre le savoir glané au prochain jeune écuyer désireux de placer son esprit et son corps au service de cet engagement.